Le pas de l'ombre — Ebook

L’homme ne vaut que par son mystère, disait Vidocq.

En nous sont des dédales, des abîmes et des passerelles effrayantes, des geôles à la Piranèse, des portes dont nous avons perdu la clef ou que nous avons voulu murer à jamais. Jusqu’au jour où... Dans Le pas de l’ombre et pour Julien Forsan, ce fut au mois de mai 1981, au lendemain du grand retour de la Gauche. Julien pensait s’être fait une place au soleil. Il avait une amie qu’on lui enviait, une promotion annoncée et ce roman qui devait paraître. En une poignée de jours, alors qu’une moitié de la France s’enivrait à l’idée de changer la vie, celle de Julien volait en éclats. Il se retrouvait seul, dépossédé de tout espoir, affaibli par un mal ambigu.

Jeune homme au talent médiocre, il avait peiné pour sa petite réussite. Il estimait la mériter. Dans son infortune, il crut reconnaître une malédiction. Se remémorant des conversations vite tues à son apparition et le regard étrange qu’il arrivait que sa mère pose sur l’enfant qu’il était, l’idée lui vint d’une faute ancienne, un de ces secrets qui empoisonnent les familles. Plutôt que de combattre sa disgrâce, il entreprit d’en trouver l’origine. C’est ainsi que Julien Forsan se fit enquêteur. Qu’il s’aventura, tâtonnant dans la labyrinthique mémoire de l’Occupation. Il restait sous l’influence de l’oncle Fulbert, son ogre intime. Le quincaillier lui avait raconté que des sous-sols de son affaire un souterrain menait au lac sous la ville, d’un bleu unique. Mais pour y accéder, encore fallait-il ne pas se perdre, ni devenir fou ou se faire ensevelir. Cela n’était peut-être qu’une parabole, Julien y décrypta l’exigence d’une quête.

Fouillant un passé qui ne cessait de se dérober, se fourvoyant et persévérant quand même, s’enfonçant encore et s’éloignant toujours plus de la lumière de l’été 81, Julien finira par trouver cette vérité. Elle le consumera à l’instant. En fait, la révélation avait toujours été là, si proche. Il l’avait portée en lui, symptôme équivoque telle sa fièvre du matin, douleur innommée, quasiment apprivoisée et cependant mortelle.

Le pas de l’ombre est une enquête dans un hypothétique avant des années quarante. Julien Forsan en est le détective et l’objet, le poursuivant et la proie. Sous l’agencement du thriller, Le pas de l’ombre propose une réflexion sur notre tropisme du fantasme, notre éternel et pathétique réflexe de nous aveugler lorsque nous sommes confrontés à l’insoutenable.